
En 2024, l’association Segalen de Brest vous propose l’exposition d’une partie de l’œuvre de Catherine Denis, artiste peintre et calligraphe.
L’artiste Catherine Denis
« N’est-ce pas le plus menu des gestes et le plus secret du cœur que le pinceau livre ? ». Cette phrase de Victor Segalen dans son livre « Le fils du Ciel » m’avait, et c’était il y a quelques années seulement, profondément réconfortée ! Ce qu’il exprimait là, je l’avais compris de mon étude de la calligraphie chinoise, à Taiwan d’abord, puis en Chine (Hangzhou). C’est ce que j’ai voulu transmettre dans mon enseignement sur presque trente ans et c’est ce que je continue à vivre dans mes créations. Mais force est de constater que j’étais/je suis à l’opposé d’un courant occidental calligraphique que l’on pourrait qualifier d’expressionniste : il faut le gros pinceau, le geste très ample, la monstration d’une force physique… Tout cela me paraît se situer trop à l’extérieur. Victor Segalen avait vraiment compris ce qu’était l’art chinois de l’écriture au pinceau.
Quand en 2012, Madame Huang Bei, éminente spécialiste de l’œuvre de V. Segalen, m’a demandé d’écrire au pinceau Cité Violette Interdite, poème de Stèles (du Milieu), je me suis sincèrement réjouie d’aller vers l’auteur et de vivre au pinceau ses pensées qui m’ont toujours semblé ne pas tout révéler. De la même façon que les poèmes de Segalen se dressent comme des stèles, j’ai voulu que ce que j’entendais de Cité Violette Interdite se présente verticalement, et il en est ainsi sorti dix-huit rouleaux, verticaux, que je présente à cette exposition pour l’anniversaire des trente ans de l’université Victor Segalen.
Lorsque j’écris ainsi au pinceau notre langue, le français, je ne cherche pas à faire de la calligraphie chinoise ; la connaissance très précise de cet art que j’ai eu la chance de recevoir à l’École Nationale des Beaux-Arts de Chine (zhongguo meishu xueyuan) m’a amenée à vouloir donner une autre présence à nos mots écrits, lesquels, à mes yeux, sont devenus « des entités graphiques cohérentes, autonomes et vivantes » (1)
« Être allée du caractère chinois à la lettre occidentale » pourrait peut-être résumer ma démarche artistique. Il s’agit plus précisément d’avoir pu, grâce à ma connaissance de la calligraphie chinoise, donner du caractère à nos lettres latines ! Mais ma démarche s’est également nourrie de mon vécu de la musique, par l’étude du piano lorsque j’étais enfant, puis adolescente. J’ai toujours pensé que la calligraphie chinoise était une musique qui se voit, « une musique muette » 无声之音wu sheng zhi yin, comme l’exprimait le théoricien Zhang Huaiguan au VIIIème siècle. Elle est de plus en plus partie prenante dans mes recherches actuelles, j’en présente également quelques aspects (Sonorités calligraphiques, Intérieur 3, avec la musique de Melaine Dalibert) dans cette exposition en hommage à Victor Segalen, grand ami de Claude Debussy.